Jacques
Vers 1960, l’année scolaire était à mes yeux jalonnée de trois événements majeurs :
- la photo de classe, qui était l’occasion de bien s’habiller et surtout de se coiffer. Je rêvais bien entendu d’être placé à côté d’une camarade pour laquelle j’avais le béguin ;
- le passage du camion radio, car en fonction du résultat de la radio des poumons, nous devions subir une scarification, peu agréable, en haut du bras ;
- et enfin, la visite médicale, où officiait en maître redouté le Docteur M., à la voix forte et nasillarde.
Pour cette séance, nous devions défiler à la chaîne, vêtus d’un simple slip, comme au garde-à-vous, devant ce grand maître de notre santé préadolescente.
J’avais douze ans et un beau matin, alors qu’avait été annoncée la visite médicale annuelle, j’ai décrété à mes parents que je refusais d’aller à l’école. Devant mon obstination réitérée et inhabituelle, non conforme à mon caractère, ils tentèrent de décrypter ce blocage subit.
Je finis par avouer le motif réel de ce refus catégorique et leur expliquai être particulièrement dégoûté, car le Docteur M., à une cadence d’ouvrier à la chaîne, passait allègrement d’une plongée à deux mains dans nos slips – pour vérifier que nos attributs masculins se positionnent correctement –, à la vérification, avec les mêmes mains, de nos amygdales, végétations et dentition. Par souci de gain de temps, il passait ainsi en revue tous les élèves d’une matinée bien remplie, sans un seul instant user du lavabo et du savon.
Inutile de préciser que mes parents, hautement légitimistes, ne sont jamais intervenus, ni auprès du docteur en question, ni auprès de la direction. Autres temps, autres mœurs !